Maria Szymanowska a composé une centaine d’œuvres pour piano (à 2, 3 et 4 mains), une trentaine d’œuvres vocales (pour 1 et 2 voix) et quelques œuvres de musique de chambre (piano et violon ou flûte, piano et violoncelle).
La plupart ont été éditées de son vivant par des maisons prestigieuses comme Breitkopf & Härtel à Leipzig, Hanry à Paris ou Ricordi à Milan. Certaines demeurent encore sous forme de manuscrits, éparpillées dans différentes archives à travers le monde.
Elle a composé pour ce qu’elle appréciait le plus et connaissait le mieux : le piano et la voix. Elle a sans doute profité de quelques conseils de compositeurs expérimentés qu’elle côtoyait régulièrement (Elsner, Kurpinski, Lessel, Dussek, Tomášek, Hummel, Cherubini, Rossini, Field…), mais n’a jamais suivi d’enseignement spécifique.
Elle excelle dans des formes courtes (préludes, études, danses) et des variations qui démontrent clairement sa grande inventivité au niveau des motifs musicaux et des couleurs sonores qu’elle a toujours cherché à enrichir, à l’image de sa propre technique de jeu et grâce à l’évolution du pianoforte en tant qu’instrument.
Malgré une certaine fidélité aux formes d’expression de l’époque, l’œuvre de Maria Szymanowska reflète une musicienne en quête d’un langage nouveau. Son style poétique et souvent vocal préfigure la ballade romantique, le poème sans paroles et le mélodrame.
Il serait simpliste et historiquement injustifié de porter sur son œuvre et sa carrière de compositrice le même regard que celui qu’on porte habituellement sur ses homologues masculins : tout ce qu’elle accomplit dans sa courte vie relève d’une entreprise d’exception dans un monde où seuls les hommes sont habilités à envisager une carrière de compositeur professionnel.
Contrairement à d’autres femmes auteurs qui jusqu’au début du XXe siècle prennent un pseudonyme masculin, Maria Szymanowska a toujours signé ses œuvres de son propre nom (ayant d’ailleurs commencé avec son nom de jeune fille : Wolowska). Sa correspondance avec les éditeurs de l’époque montre leur plus grand respect et l’intérêt qu’ils lui accordent.
Il ne lui était certes pas facile de joindre sa carrière de musicienne professionnelle à son rôle de mère divorcée, responsable financièrement de ses trois enfants ainsi que de ses frères et sœurs qui l’accompagnaient dans ses tournées européennes. Même si elle a pu se faire seconder dans certaines tâches quotidiennes – selon les usages de l’époque et ses propres impératifs – la gestion de sa vie professionnelle reposait sur elle-même.
Son œuvre musicale est donc celle d’une femme extrêmement talentueuse et volontaire qui, dans la masse de ses devoirs quotidiens, se limite quelquefois à des esquisses, des « pastels » correspondant à ses idées créatrices qu’elle n’a pas toujours le temps de peaufiner jusqu’à la version définitive… C’est de toute évidence à l’interprète de poursuivre le processus de création qu’elle a entamé : son œuvre laisse un champ de liberté et de confiance infini aux musiciens las d’une certaine routine de répertoire et de canons d’interprétation.
Elisabeth Zapolska Chapelle